Sergeant Pepper...
Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band...textuellement "L'Orchestre du Club des Fans Esseulés du Sergent Pepper", ainsi apparaît le titre du 33 tours sorti dans les années 67/68 par les Beatles.
La pochette est superbe: de magnifiques clichés en couverture et au dedans, montrant les quatre musiciens curieusement grimés en costume militaire coloré: influence de l'époque psychédélique qui faisait beaucoup appel aux profusions de couleurs dans l'expression artistique? Allusion moqueuse aux épopées militaires de la Grande Angleterre avec ce mystérieux Sergent Pepper (Poivre en Français)? Toujours est-il que les Beatles posent, entourés de nombreux personnages célèbres qui doivent leur être sympathiques, accompagnés également d'un groupe de quatre garçons qui les représentent eux-mêmes en plus jeune. Ils posent devant une tombe abondamment fleurie, probablement celle du Sergent puisqu'un "P" (pour Pepper) figure dessus. Ils sont donc "esseulés". Amusement? Dérision? En tout cas aucun rapport thématique avec la musique du disque qui s'avère cependant aussi superbe, aussi colorée, aussi "relevée", aussi variée que les images de la pochette.
Ce disque est un chef-d'oeuvre, une première dans la musique pop' à laquelle il donna ses lettres de noblesse. Rien dans la chanson de variétés ou rock n'avait été créé auparavant avec un tel panache, et peu de disques ultérieurement égaleront cet enregistrement. Pour le réaliser bien des facteurs sont intervenus. Prouesses techniques des studios: bandes son inversées, mélangées, torturées, et surtout prouesses artistiques des quatre garçons battant, guitarisant, rythmant et mélodiant de mille et une façons: chansons aux paroles tendres, brutales, humoristiques, enjouées, à consonance rock ou mixées à des sonorités proches du grand orchestre symphonique. Une débauche de clameurs, une orgie auditive qui, bientôt trente ans après, continuent d'enchanter jeunes et moins jeunes.
Bien des choses ont été dites sur ce disque et notamment, que pour arriver à une telle imagination créatrice, les Beatles ont dû travailler, les facultés exacerbées sous l'emprise de la drogue. Certaines chansons d'ailleurs y font allusion comme par exemple "Lucy in the Sky with Diamonds" dont les initiales du titre font L.S.D. ou bien la dernière plage apocalyptique "A day in the life" au texte équivoque. Quoi qu'il en soit, elles ne font pas la majorité.
Pour ajouter à l'aura de mystère qui entoure ce microsillon, l'on a également raconté qu'un des Beatles, en l'occurrence Paul Mac Cartney, n'était pas le vrai mais un sosie. Le vrai était mort et le cliché de couverture représentait en fait ses obsèques. En l'absence de preuves, des présomptions: le "P" fleuri de la tombe ne voudrait pas dire "Pepper" mais "Paul". Derrière Mac Cartney un personnage salue de la main et le hasard (?) veut que celle-ci soit dressée au-dessus de la tête du Beatles. Or, une légende de l'Extrême-Orient laisserait supposer que cette main ainsi positionnée soit un signe de malédiction. De plus Mac Cartney qui est gaucher tiendrait sa clarinette comme un droitier. D'autre part, sur la photo verso, Paul est le seul à tourner le dos comme s'il avait quelque chose à dissimuler. Enfin, sur le grand cliché à l'intérieur de la pochette, le même Paul porte un brassard avec trois initiales "O.P.D." que l'on a traduites par "Officially Publically Dead" (Anoncé Officiellement Décédé). Un démenti circula ensuite, selon lequel O.P.D. signifierait "Ontario Police Department" (Service de la Police d'Ontario). Tout cela n'est pas très sérieux mais cette accumulation de détails troublants n'est certainement pas fortuite. Les Beatles ont vraisemblablement cherché, lors du montage des photos, à brouiller les cartes autant que l'imagination de leurs fans. La seule réalité, c'est que quelques années plus tard, l'un d'entre eux, et non Paul Mac Cartney, allait malheureusement mourir...
Travaillé avec un soin extrême, ce disque légendaire dans sa pochette écrin, n'attend plus qu'une chose: assurer sa pérennité sous la forme du Compact Disc. Le son y gagnerait en ampleur certes mais le Laser, à cause de la petitesse de son format, n'offrirait pas le même charme que la "grande galette noire" et sa splendide couverture cartonnée. En fait, garantir l'éternité de sa réputation à ce fabuleux enregistrement ne consisterait-il pas précisément à s'interdire le CD, à conserver au mieux les microsillons encore existants, voire à le rééditer exclusivement en vinyles?
Avis aux collectionneurs et Beatles maniaques...
(copyright Jean-Michel Cagnon).
Texte écrit en octobre 1994
Date de dernière mise à jour : 05/07/2021
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