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Histoire de Gaia

cheval.jpg©JMC

(L'auteur invite le lecteur à considérer le texte qui suit comme une belle histoire et non comme un document scientifique fiable. La part consacrée à la paléontologie terrestre est la plus exacte possible. Toutefois cette discipline est en permanente évolution.)


Nous sommes en l'an 976 085 du calendrier de la planète habitée Rhéa gravitant autour de l'étoile Proxima du Centaure située dans la galaxie de La Voie Lactée. Notre astre du jour à nous, Proxima, est à quatre années-lumière de l'étoile Phébus. Cela signifie que pour un vaisseau spatial se déplaçant à la vitesse de la lumière (300 000 km/seconde), il lui faut pas moins de quatre ans pour atteindre Phébus. Actuellement avec notre technologie utilisant l'énergie du vide, cela ne prend que quelques heures... Phébus possède un cortège de planètes. La  troisième - un couple de planètes en fait, Gaia jadis habitée et Séléné une petite sœur - est en ce moment l'objet d'explorations intensives de notre part. Les peuples de Gaia nommaient leur système planétaire Terre et Lune et leur étoile Soleil. Ils avaient pour je ne sais quelle raison adopté cette appellation pour leurs astres familiers, tandis que la plupart des autres sont baptisés à l'aide de noms mythologiques.

L'an 976 085 de notre planète Rhéa correspond à l'année 64 273 de la Terre. Il s'agit d'une planète qui, l'on pense, a cessé brutalement d'être habitée à la suite d'un cataclysme. Comme je l'ai déjà dit, nous y envoyons régulièrement des équipes d'astronautes, que je dirige, pour tenter d'élucider son histoire. C'est la planète la plus accessible parmi celles ayant hébergé une vie.

Au cours de nos expéditions dont la première remonte déjà à plusieurs années, nous effectuons de nombreux prélèvements de roches et de fossiles. Nous reconstituons ainsi peu à peu le passé de Gaia qui se présente maintenant comme un astre mort, sans activité tellurique, et complètement désertique comme elle devait l'être il y a plus de 4 000 millions d'années de son calendrier, durant l'ère dite précambrienne.

Ma formation universitaire m'a amené à me spécialiser dans toute forme de vie animale, mettant de côté la géologie et la botanique. On ne peut pas tout connaître ! J'attache de l'importance à vulgariser la science. Ce terme, que je n'aime pas beaucoup à cause de sa consonance péjorative, signifie que j'essaie de rendre accessibles à tout public nos découvertes et nos passions. J'ai donc fait ériger un muséum de paléontologie propre aux mondes étrangers. Je m'intéresse en particulier au pavillon dédié à la Terre et, précisément, ce matin, je vais servir de guide à un groupe scolaire, des jeunes d'environ une quinzaine d'années.

J'explique à mon auditoire que l'ère précambrienne s'étend depuis la formation de la Terre, soit moins 4 600 millions d'années jusqu'à moins 570 millions d'années. Durant donc 4 milliards d'années, du point de vue zoologique, pas grand-chose à raconter, la vie se réduisant à des vers et des arthropodes primitifs (sortes de crustacés).

Je ne vais évidemment pas, leur dis-je, exposer d'une façon complète, l'histoire de Gaia. Il faudrait des journées entières. (Je devine un soupir général de soulagement fluctuant au-dessus des jeunes cerveaux). Je me contenterai de vous montrer des hologrammes et des sculptures en matière synthétique de bestioles particulièrement frappantes. Vous verrez des reconstitutions élaborées à partir de ce que nous ont révélé les prélèvements sur place décryptés grâce à nos technologies sophistiquées d'investigation.

L'ère paléozoïque (ou ère primaire) qui s'étale depuis moins 570 millions d'années jusqu'à moins 225 millions d'années est déjà plus intéressante. Elle se caractérise climatiquement parlant par une élévation des températures. Végétaux et animaux vont s'adapter. Côté botanique, les éléments dominants sont les algues, puis bien plus tard les fougères et les plantes à graine et notamment les conifères. Côté zoologie, cela part des invertébrés, crustacés, trilobites, puis se diversifie avec l'apparition des vertébrés, poissons cuirassés, scorpions géants, amphibiens qui gagnent la terre suite à l'émergence de celle-ci hors des eaux, et enfin insectes et premiers reptiles.

Je vous présente en un survol extrêmement rapide cette évolution qui a tout de même duré environ 350 millions d'années du calendrier de Gaia. Essayez de réaliser qu'il a fallu tout ce temps pour assister aux premiers soulèvements terrestres, au retrait des mers et partant de là à la conquête du sol par les animaux et les plantes, le tout accompagné d'un réchauffement progressif de l'atmosphère. Nous constaterons qu'ultérieurement la planète a subi des changements climatiques dans des délais inimaginablement plus courts.

Avancez jeunes gens et voyez ces trilobites, crustacés à corps plat en trois lobes, qui se traînaient au fond de la mer à la recherche de nourriture. Observez les premières méduses, de monstrueux échinodermes bien différents des oursins, des céphalopodes (parents lointains des poulpes) munis d'une coquille d'où émergeaient les tentacules, des éponges et des coraux.

Voici maintenant les scorpions de mer de deux mètres de long, de charmantes bébêtes qu'il valait mieux éviter. Plus loin vous pouvez apercevoir les premiers poissons protégés par une cuirasse, les placodermes (autrement dit "la peau en plaques"). Certains étaient tout petits mais d'autres étaient énormes, en particulier le Dinichtys (de Din : terrible et Ichtys : poisson). Il s'agissait d'un véritable poids lourd pouvant atteindre douze mètres de long avec une tête couverte de plaques osseuses et une bouche garnie de crocs redoutables. Un requin n'aurait pas fait long feu devant lui !

Continuons de remonter le temps, presque à la fin du paléozoïque. Nous ne sommes "plus" qu'à moins 320 millions d'années. A cause du climat, apparaissent de vastes zones désertiques. Voici devant vous une sculpture de l'Ephadosaure (appellation signifiant "lézard de la terre"). Remarquez sa gueule impressionnante, ses quatre pattes griffues, sa longueur totale dépassant trois mètres, et l'étrange "voilure" qu'il possède sur le dos. C'est certainement un régulateur thermique. Il vous faut savoir que les reptiles, contrairement aux mammifères, ne sont pas dotés comme ces derniers d'un "thermostat" basé sur le sang chaud et la fonction de transpiration, assurant une température quasi constante du corps. Les lézards se réchauffent ou se refroidissent très vite et sont plus vulnérables. Par conséquent la nature primitive les a équipés de cette voilure, sorte de capteur solaire qui, au fil de l'évolution, va se transformer beaucoup plus tard chez certains individus en plaque osseuse fournissant de surcroît une protection contre les ennemis. L'Ephadosaure est un "reptile mammalien". Qu'est-ce à dire? Non, non, il n'a pas de mamelles, mais il annonce la lignée des mammifères par la disposition caractéristique de ses dents et de son maxillaire inférieur. Retenez cette appellation jeunes gens et continuons d'avancer.

Nous nous approchons, par franchissements de plusieurs millions d'années, du terme de l'ère paléozoïque. Voici des représentations d'autres reptiles mammaliens, le Dimétrodon et le Varanosaure, impressionnants mastodontes cauchemardesques, parfois carnivores tels que le Dimétrodon. Corps trapu et cuirassé, tête relativement petite munie d'une gueule dotée d'abominables "quenottes" destinées à déchirer les proies, pattes basses plantées de biais à la manière d'un crocodile évoluant sur terre, voici la carte d'identité commune à d'autres "cousins" poids lourds, le Scutosaure et le Sauroctone. On retrouve dans les eaux le même genre de charmante bestiole, notamment en la personne du Mésosaure : gueule ressemblant à celle d'un gavial, corps plus gracile et queue énorme (gouvernail et propulseur?) plus longue que le corps.

Retenez ceci : l'ère mésozoïque (secondaire) que nous allons maintenant aborder et qui s'étend de moins 225 millions d'années à moins 65 millions d'années, n'est donc pas la seule à avoir hébergé de gigantesques reptiles.

Rassurez-vous, je serai moins prolixe sur cette nouvelle période (satisfaction exprimée chez mon auditoire par quelques sourires bien dentés). Je qualifierai cette dernière de "populaire" à cause des productions cinématographiques de vulgarisation que firent les terriens à son sujet. Sachez qu'elle est caractérisée par une continuation du réchauffement du climat, chaud et sec puis chaud et humide. Notez ceci, c'est très important pour la suite (je vois certains de mes visiteurs, extrêmement attentifs, prendre des notes, leurs doigts encore maladroits et crochus enserrant bloc-notes et stylo). Nous allons rendre visite, dans le pavillon consacré à l'ère mésozoïque, à quelques "vedettes" parmi les Dinosaures "lézards terribles").

Auparavant gardez en mémoire que cette nouvelle période est témoin d'importantes sédimentations (dépôts de sel, gypse, grès rouge...) mais aussi de mouvements de terrain conséquents avec entre autres la naissance de deux chaînes de montagne dans le continent dénommé Amérique : les Rocheuses et les Andes. Souvenez-vous de même que les végétaux évoluent (conifères et plantes à fleurs), que les mammifères primitifs mutent tout en restant de petite taille, et qu'apparaissent les reptiles ailés ou Ptérodactyles. Ce terme signifie "doigts ailés" à cause de la structure de leurs membres supérieurs ressemblant à ceux des chauves-souris. Les Ptérodactyles étaient des mastodontes aériens, au moins 1,50 mètre tant pour le corps que pour l'envergure, à la gueule garnie de crocs excepté le Pténarodon (ailes, pas de dents), dernier représentant de la "famille" avec une envergure de 8 mètres ! Ils furent détrônés par les premiers oiseaux dont l'ancêtre commun est l'Archaeopteryx (ailes archaïques) à mi-chemin entre le reptile et l'oiseau, déjà emplumé, encore denté, à sang chaud (innovation!) mais certainement incapable de voler longtemps.

Dans les eaux on rencontre des bestioles qu'il eût été sûrement périlleux de vouloir apprivoiser (!), les Ichtyosaures (poissons lézards) faisant penser à des dauphins ou des espadons. Citons aussi les tortues géantes et les reptiles annonçant les futurs crocodiles...

Et sur terre les célèbres "vedettes". Notre technologie a d'ailleurs réussi à faire revivre quelques spécimens par manipulation génétique. Vous pourrez les contempler tout à l'heure dans les aires extérieures clôturées, mais ne vous approchez pas des barrières. Ces animaux sont dangereux. Nous avons donc mis en confrontation un herbivore, le Stégosaure (reptile couvert), véritable char de défense de 7 mètres de long, muni d'une double rangée de plaques osseuses protégeant la colonne vertébrale et d'une queue dotée à son extrémité d'une double paire de longues pointes osseuses. Maniées avec dextérité, elles devaient causer des dégâts chez l'attaquant. Ce reptile, comme ses multiples congénères contemporains ou de jadis, possédait un cerveau de la taille d'une noix... Heureusement la race a évolué depuis...

Face au Stégosaure, nous avons placé un jeune Tyrannosaure Rex (roi des lézards tyrans), repoussante créature carnivore dont la taille adulte culminait à 12 mètres, faisant d'effrayants pas de 4,50 mètres, possédant un crâne de 1,50 mètre et une gueule aux mâchoires surmontées de véritables coutelas. Une machine à tuer quoi ! Notre individu n'avait pas ces mensurations et, en fin de compte, n'eut pas le dessus au terme d'une lutte titanesque et sanglante qui vit la "victoire" (rare) du Stégosaure mettant en fuite son adversaire. Cette expérience confirma ce que nous supposions quant aux attitudes, postures et déplacements de ces animaux. Elle fut incontestablement instructive.

Parmi les autres vedettes, voyez ci-après des reproductions à une échelle réduite (par manque d'espace) des plus gros herbivores que la planète des terriens ait jamais supportés, le Brontosaure (lézard tonnerre), adepte du chiffre 20 (20 mètres de long, 20 tonnes) et le Diplodocus (double queue), le cou et la queue pratiquement d'égale longueur espaçant le minuscule crâne de l'extrémité caudale de 30 mètres ! Fameux quadrupèdes.

Observez par ailleurs quelques "originaux", de taille plus réduite, parmi les herbivores. On croirait qu'ils ont cherché à "épater la galerie" afin qu'on ne les oublie pas. Par exemple le Tricératops (face à trois cornes) ainsi baptisé à cause de l'anatomie singulière de sa tête, de surcroît jointe au thorax par une énorme collerette. Par exemple encore le Styracosaure (lézard à pointes) doté de sept cornes, pas moins. Terrifiants d'aspect mais probablement inoffensifs. Enfin, pour conclure, deux "olibrius". Voici d'abord le Corythosaure (lézard à casque corinthien) dont la tête était coiffée d'une crête osseuse pouvant évoquer un casque antique. Cette crête vraisemblablement creuse devait permettre par insufflation d''air d'émettre des sons, comme ceux d'une corne de brume, pour communiquer d'un individu à l'autre. Voici ensuite le Pachycéphalosaure (lézard au crâne épais) équipé d'une protubérance solide au-dessus de la tête prolongée sur les parois temporales par des plaques cornues. Armes utilisées lors de combats rituels, les protagonistes se cognant entre eux? Nous n'avons nulle confirmation de cela. En tout cas jeunes gens, ne riez pas trop devant ce que vous considérez comme des clowns car ils sont vos lointains, très lointains parents... bien que nous n'appartenions pas à la même planète.

Vous aurez noté que certains lézards se tenaient sur deux pattes, tels que le Corythosaure, le Pachycéphalosaure et aussi le Tyrannosaure Rex, carnivore craint par tous. Ses membres inférieurs étaient gigantesques et robustes, à l'inverse des supérieurs, ridicules moignons à deux doigts griffus sans aucune utilité, la gueule géante se suffisant à elle-même pour happer les proies, les déchirer et les engloutir.

Nous voilà au glas de l'ère mésozoïque à, je le répète, moins 65 millions d'années. J'emploie sciemment le mot "glas" car la planète Gaia va être à cette époque le théâtre d'un bouleversement général autant que titanesque. Nous sommes à peu près certains qu'une énorme météorite venue des lointains infinis a cogné la Terre. Une véritable fin du monde s'ensuivit, accompagnée de séismes, d'éruptions volcaniques, de raz-de-marée sans aucune commune mesure avec ce que l'on peut imaginer. Les éléments déchaînés, notamment les cendres et scories expulsées haut dans le ciel par les volcans, ont obscurci l'atmosphère durant des milliers d'années avant de retomber par terre. La conséquence fut que le firmament opacifié empêcha les rayons du Soleil d'atteindre le sol. La Terre se refroidit "brutalement" et ce phénomène perdura. Les lézards non adaptés, dépourvus - nous l'avons vu - de tout "thermostat" efficace, furent décimés. Ce fut la fin des dinosaures. Par contre les mammifères qui, eux existaient déjà, de toute petite taille, surent se plier à cette nouvelle situation.

Les animaux marins furent en quelque sorte épargnés grâce à leur élément protecteur, l'eau. S'il y eut des victimes, il y eut aussi des rescapés, poissons, oursins, méduses, pieuvres, tortues...

Revenons sur terre et remarquons parmi les mammifères, un modeste animal gros comme un rat, le Purgatorius. Nous y reviendrons.

Une ère nouvelle commence, l'ère cénozoïque qui regroupe les tertiaire et quaternaire, cette dernière toute "jeune" ayant débuté il y a tout juste moins 2 millions d'années. Le climat va s'avérer instable. Enfin quand nous parlons d'instabilité il faut nous souvenir que les variations durent des dizaines, des centaines de milliers d'années.. Bref, froid et chaud alternent avec, pendant le quaternaire, des époques glaciaires. Les orogenèses continuent comme par le passé. La plus connue, dénommée par les habitants de Gaia "Plissement Alpin", provoquera il y a environ 30 millions d'années le soulèvement des Alpes, de l'Himalaya, des Rocheuses... Les végétaux ne cessent d'évoluer avec la prépondérance affirmée des plantes à fleurs et la faune se diversifie sous son nouveau règne.

Pour "inaugurer" le tertiaire, lequel dure à peu près 63 millions d'années, commençons, une fois n'est pas coutume, par les oiseaux. Spectaculaires, énormes (entre deux et trois mètres de haut), féroces carnivores, incapables de voler, pattes massives terminées par de redoutables griffes, bec crochu et surdimensionné pour attraper et broyer les proies (petits mammifères), tels se présentent ces "jolis ancêtres des canaris". Vous apercevez ici en reproduction holographique un Gastornis (de Gaston Planté, le savant qui découvrit ses restes et ornithos : oiseau). Juste à côté un Phororhacos (porteur de crocs vrillés) dont le crâne était plus long que celui d'un cheval adulte !

Dans les eaux vivent "d'adorables" bestioles comme par exemple le Basilosaure, apparu après les requins, qui étaient jusqu'à présent la population dominante des océans. Le Basilosaure est l'ancêtre des baleines, donc un mammifère, un véritable fuselage de 25 mètres de long doté à l'avant d'une gueule de crocodile, se nourrissant de poissons, d'autres mammifères (dauphins), de calmars et de pieuvres. Imaginez les combats avec ces grosses proies tentaculaires ! Basilosaure qui signifie Lézard Empereur (du fait de la taille de la bête) est une erreur. L'animal fut baptisé ainsi à tort car la découverte de son squelette allongé le fit confondre avec les monstres à jamais disparus du secondaire. Quoi qu'il en soit, lui-même n'avait rien à envier à ceux-ci...

Sur terre, les mammifères, discrets par la taille au départ, se diversifient et croissent, finissant par dominer les oiseaux grâce à leur agilité supérieure et leur dimensionnement accru au fil des âges. Je vous présente un Orohippus (cheval des montagnes), herbivore habitant les prairies sèches et ne dépassant pas 40 centimètres de haut. Accompagnant celui-ci, mais arrivé bien plus tard, vous voici en présence d'un Mesohippus (cheval moyen) de la grandeur d'un loup, puis d'un Merychippus (cheval ruminant) aussi volumineux qu'un âne. A côté et en opposition totale, vous faites face à l'Andrewsarchus, énorme charognard de six mètres de long rappelant vaguement une hyène. Si des terriens pouvaient m'entendre, je leur annoncerais que leur fameuse Bête du Gévaudan fut un temps supposée être un descendant survivant de l'Andrewsarchus.

Nous ne pouvons pas faire le tour de toute la planète et j'en vois parmi vous qui commencent à s'essouffler et cessent de prendre des notes. Vos "griffes" s'engourdissent. Regardons cependant du côté des ancêtres des rhinocéros, par exemple ce Teleoceras (corne épaisse), dont l'allure corporelle massive et les moeurs semi-aquatiques évoqueraient plutôt un hippopotame. Chez les mastodontes, animaux voisins de l'éléphant, admirez ce Platybelodon (à dents et incisives plates). Ses incisives étirées en forme de pelle et sa mâchoire inférieure incurvée et aplatie devaient servir à fouiller dans les sols marécageux. Côté fauves, je me dois de vous montrer un Thylacosmilus (fourreau de sabre), gros marsupial carnivore de 100 kilos, muni de dents comme le tigre à dents de sabre qui régnera bien plus tard et avec lequel il n'a aucune parenté. Le Thylacosmilus s'est effectivement éteint sans aucune descendance. Un gros "chat loupé" en quelque sorte !

Pour terminer, apercevez ici un petit individu d'environ vingt kilos, le Proconsul Africanus, l'un des premiers Primates (mammifères à mains), censé être la souche commune aux singes et aux hommes. Le Proconsul se nourrissait de fruits et était quadrupède.

Bien qu'abordant maintenant le quaternaire, nous sommes encore très loin de l'homme moderne, l'Homo Sapiens Sapiens (l'homme savant) qui apparaîtra il y a environ quarante mille ans (c'est hier à l'échelle paléontologique !). Auparavant se seront succédé, je ne cite que les principaux, l'Australopithèque (il y a 5 millions d'années, donc appartenant encore au tertiaire), puis l'Homo Habilis (l'homme habile, qui sait façonner et manier des outils), l'Homo Ergaster (l'homme artisan). Les premiers représentants de ces deux dernières espèces remontent à moins 2 millions d'années et pratiquaient déjà la bipédie. Ensuite vient l'Homo Erectus dénommé au préalable par les spécialistes terriens Anthropopithèque (homme-singe). Deux remarques à son sujet : tout d'abord (ne ricanez pas stupidement je vous prie), "Homo Erectus" ne signifie pas qu'il était capable d'une érection, mais qu'il fut considéré - à tort - comme le premier hominien à se tenir debout. D'autre part, pour la petite histoire, "Anthropopithèque" sera bien plus tard l'une des nombreuses insultes proférées par un héros barbu de bande dessinée. Redevenons sérieux. Voici à présent l'Homme de Néandertal et enfin l'homme moderne. Ne croyez pas que tous ces individus sont descendants les uns des autres : certaines espèces se sont éteintes et l'on se perd en conjectures sur l'origine réelle de certaines autres qui ont survécu pour aboutir à l'homme moderne. Par ailleurs notez que les singes ont suivi une évolution distincte, en parallèle des humains. Ces derniers, au fil des âges,, ont adopté des formes de crânes variées (mâchoires, nez, arcades sourcilières), des tailles en croissance progressive partant de 1,30 mètre pour culminer à 1,80 mètre, et des modes de vie diversifiés (cueillette, chasse, puis sédentarisation par l'agriculture il y a moins de dix mille ans). Secouez-vous jeunes gens et reprenez des notes sur des données qui vous sont inconnues.

Côté zoologie, survolons le temps avec les oiseaux (c'est le cas de le dire), lesquels d'ailleurs ne savent pas utiliser leurs ailes (!) Pareillement à leurs confrères éloignés du tertiaire. Examinez attentivement ces Dinornis (oiseaux terribles) présentant des ressemblances avec les autruches mais pouvant atteindre quatre mètres de haut. Observez bien ces énormes Euryapteryx (sortes d'Emeus) aux membres inférieurs épais pouvant évoquer de loin des Vénus callipyges. Je précise bien "de loin" car lorsqu'on regarde leur tête disgracieuse, l'analogie disparaît complètement ! Souvenez-vous que ces animaux ont survécu dans certaines contrées de la planète Gaia jusque dans les années plus mille sept cent.

Vous ne remarquez rien jeunes gens? Je suis passé dans la datation de "moins" à "plus". Le calendrier de Gaia comporte effectivement une année zéro qui correspondrait à la naissance d'un Grand Sage, Yeshua, que n'ont peut-être pas su écouter les Terriens...

Pour retourner à la zoologie, attardez-vous maintenant sur les mammifères, de nouveau les tigres à dents de sabre tels que le Machairodus, le Smilodon, puis les lions des cavernes. Les crocs effilés des tigres leur permettaient de perforer l'épaisse toison de leurs proies herbivores (antilopes, gazelles, cerfs géants, sangliers...). Découvrez consciencieusement ces animaux insolites que sont les ours, les rhinocéros, les hippopotames et tous les représentants des Proboscidiens (mammifères avec trompe).

Ainsi s'achève momentanément l'histoire de la planète Gaia que nos recherches ont permis de reconstituer jusqu'aux années plus deux mille. Pour ce faire nous avons procédé à des carottages, c'est à dire des prélèvements en profondeur d'échantillons de terrain. Vous savez que tout astre est bombardé en permanence de météorites, surtout quand il est dépourvu d'atmosphère protectrice, ce qui est le cas actuel de Gaia. Par conséquent les couches du sol en surface sont les plus récentes. En creusant le plus profondément possible, on remonte le cours de l'histoire de la planète jusqu'au noyau primitif. Certes ce n'est pas si simple car les bouleversements géologiques qui vous ont été racontés ont provoqué pas mal de désordres, accompagnés de changements chimiques par métamorphisme. Toujours est-il qu'il nous reste encore à analyser les terrains superficiels de la planète Gaia pour connaître ce qui s'est passé après l'an 2000.

Je voudrais vous sensibiliser à l'immensité du temps écoulé depuis la naissance de cet astre. Je vous rappelle que son âge est de 4 milliards 600 millions d'années et que l'homme moderne (Homo Sapiens Sapiens) est apparu il y a quarante mille ans. Si l'on ramène l'âge de Gaia à une année terrestre (365 jours), sachez que la venue de l'Homo Sapiens Sapiens intervient à 23 heures 56 minutes le 31 décembre, soit quatre minutes avant minuit de la Saint-Sylvestre !!! (C'est ainsi que les Terriens appelaient le dernier jour de leur année). Je devine votre stupéfaction devant la condition plus que modeste de l'homme et son infinie petitesse dans l'univers.

Sachez aussi que, pour ce qui nous concerne, le calendrier de notre planète à nous, Rhéa, est très voisin de celui de la Terre. Nous nous devons de faire preuve d'autant d'humilité. Cependant, vous l'aurez compris, il y a une énorme différence avec sa consoeur gravitant autour du Soleil. Notre monde n'a pas connu le cauchemar géologique d'il y a 65 millions d'années à la fin du secondaire sanctionnant la fin des dinosaures. Les lézards ont survécu et les mammifères, devant lesquels vous vous êtes attardés avec étonnement, ne se sont pas développés. Oui, mes chers jeunes gens, nous sommes des lézards, évolués certes, mais des lézards tout de même.

Je vous ai demandé tout à l'heure de vous souvenir du Purgatorius, petit mammifère de la taille d'un rat datant de la fin du secondaire. Eh bien cette bestiole à quatre mains est le premier primate connu, ancêtre commun aux hommes et aux singes. Il a son équivalent sur Rhéa. Il n'a jamais évolué et nous sert d'animal de compagnie. Vous le connaissez tous, aussi répandu que devaient l'être les chats chez les Terriens.

Notre planète Rhéa possède d'autres caractéristiques qui la distinguent de Gaia. Tout d'abord elle est relativement plus proche de Proxima, notre soleil, et bénéficie d'un climat plus chaud, plus humide et uniformisé sur l'ensemble de notre globe. Tournant plus vite autour de Proxima, notre année est grosso modo deux fois plus courte, soit 180 journées d'une durée équivalente à celle de Gaia.

Par ailleurs l'axe de rotation de Rhéa est beaucoup plus incliné que celui de la planète Gaia. Apprenez que ce dernier s'écarte d'un angle constant de 23 degrés par rapport à la perpendiculaire de son orbite et détermine de cette façon des variations saisonnières. Chez nous l'angle atteint 90 degrés : notre planète est couchée. Elle "roule" pour ainsi dire sur sa trajectoire, présentant en alternance son pôle nord et son pôle sud à notre soleil, l'un étant éclairé pendant que son homologue demeure dans l'ombre durant un quart de notre année. La planète Uranus, autre astre du système solaire, est affectée de la même inclinaison. Vous savez que nous avons quatre saisons de 45 jours, Diurna (pour l'hémisphère en plein soleil), Noctex (pour l'autre en pleine nuit), Antequinoxa et Postequinoxa.

Mais pour les motifs que je vous ai évoqués tout à l'heure, nos changements saisonniers sont moindres que sur Gaia, l'uniformisation du climat convenant parfaitement à notre espèce. Je ne vous apprendrai rien, jeunes gens, en disant que nous hibernons le quart de l'année quand nos contrées sont plongées dans la nuit et que nos rythmes de sommeil, tant chez nos lointains ancêtres que chez nous, sont radicalement différents de ceux des habitants de Gaia.

Comme je vous en parlais il y a quelques minutes, nous avons encore beaucoup de travail avant de clore l'étude de cet astre gravitant autour de Phébus (le Soleil), jadis peuplé et actuellement mort, désertique, sans atmosphère. Nos paléontologues scrutent depuis un bon moment les terrains superficiels de Gaia et les premiers résultats de leurs découvertes commencent à être publiés. Des documents écrits et gravés datant pour les plus anciens de moins quatre mille ans, ont été retrouvés et font mention d'une civilisation florissante mais politiquement mouvementée, habitant un site nommé "Vallée du Nil". Le support de ces documents en fort mauvais état serait d'origine végétale pour ce qui est écrit, ou pierreuse pour ce qui concerne la gravure. Ensuite un gros trou noir durant des siècles. Plus rien ou si peu. Nous supposons que les supports utilisés pour l'écriture devaient être issus de peaux d'animaux (des mammifères?). Les gènes de ce règne faunique ont pu être localisés et nous ont permis d'extrapoler en images ou en moulages la physiologie de certains de leurs représentants, y compris les primates. En revanche la transformation mécanicochimique du derme des mammifères pour fabriquer le support d'écriture a dû le fragiliser et contribuer par là à la disparition de documents d'une valeur inestimable.

A partir des années plus mille quatre cent, nous avons de nouveau exhumé des écrits en grande quantité sur un support d'origine végétale, dissemblable de la première, probablement en provenance de bois d'arbre. Quelques écrits étaient encore enfermés dans des coffres très résistants abritant aussi des disques en plastique inexploitables par nos lecteurs.

Il y est confirmé que les humains devaient être des créatures capables d'un extrême raffinement en bien ou en mal, concepteurs de cités et de sociétés structurées, organisateurs remarquables, mais malheureusement victimes de leur soif incontrôlée de puissance et de domination. Une violence congénitale ou acquise et une inappétence incurable à la raison et au respect d'autrui et de leur environnement, ont dû conduire ces êtres à une progressive descente aux enfers malgré des soubresauts momentanés de régénération.

Ne nous hâtons pas de tirer des conclusions empressées de quelques indices. Mais comment penser autrement, à l'examen d'analyses faisant ressortir des réchauffements climatiques d'une fulgurance époustouflante en comparaison des durées "mégamillénaires" de ceux des époques paléontologiques? Faut-il y voir une activité industrielle et technique poussée à l'extrême, reflet - pardonnez-moi ce jeu de mots facile -  d'un échauffement, que dis-je d'une ébullition des cerveaux et de l'environnement confinant à la folie destructrice? Comment penser autrement en notant que la surface de Gaia est essentiellement constituée d'une couche de quatre à cinq mètres de gravats sphériques en verre? Comme étant la conséquence de séries d'explosions démoniaques? A côté desquelles l'apocalypse d'il y a 65 millions d'années ferait pâle figure, ayant changé la vie mais ne l'ayant pas détruite?

Faut-il incriminer la fatalité, une planète moins accueillante et moins hospitalière que la nôtre aux rythmes biologiques si différents?

En tout état de cause et pour répondre à la question posée par l'un d'entre vous, au stade actuel de l'avancée de nos recherches et compte tenu des hypothèses qui en découlent, il serait hors de question de répéter avec un gène humain l'expérience tentée avec succès au moyen d'un Stégosaure et d'un Tyrannosaure Rex. Pour notre propre sécurité, il vaut mieux ne jamais faire revenir à la vie un homme, le plus grand prédateur supposé de tous les temps...

(Copyright Jean-Michel Cagnon).

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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