J'arrive parfois à me poser des questions sur la notion de progrès dont se targue notre civilisation occidentale. Je veux notamment parler de l'égalité des sexes dont les applications récentes dans notre société se dénomment sous le vocable de "parité".
La femme est-elle réellement l'égale de l'homme dans la vie quotidienne? Je veux au préalable signaler l'injustice naturellement mise en place à l'encontre de nos compagnes. La femme est implacablement soumise à la double exigence des conséquences de la maternité et de la vie professionnelle. Le constat est impitoyable : il lui faut assumer les deux et s'ensuit un cruel dilemme, à savoir qu'il faut inévitablement prioriser l'une au détriment de l'autre. Que les voix féminines de celles qui se prétendent libérées et capables de mener équitablement les deux de front, évitent de le clamer trop haut. Ce n'est pas vrai. Que celles et ceux qui déclarent que la femme, qui a décidé de rester au foyer, n'a "pas grand-chose à faire", pire n'a "rien à faire", réfléchissent profondément. Ce n'est pas vrai non plus.
Pour revenir à la double vie de la femme au travail, je ne me perdrai pas en vastes considérations déjà évoquées par des prosateurs plus doués que moi. Je rappelle simplement les multiples questions résultantes telles que les conciliations des horaires, les courses effrénées pour mener à bien des occupations quotidiennes, l'intervention de nounous parfois nunuches et parfois dures avec les enfants, la souffrance qui en découle pour ces mêmes enfants trop tôt soumis à des rythmes d'adulte, la mauvaise conscience des mamans conscientes de tout cela ou bien qui font taire leurs inquiétudes, l'inconfort des femmes qui voudraient - c'est légitime - s'impliquer et se responsabiliser davantage professionnellement, l'infériorité des salaires de nos compagnes sous le prétexte précisément de leur moindre disponibilité, etc...
Dans cette énumération, je n'ai pas parlé des travaux domestiques soi-disant prétendus négligeables. J'y viens. La femme au foyer a du travail, beaucoup de travail. Là non plus je ne me perdrai pas en listes détaillées. Que le lectorat prenne la peine de songer à toutes les sollicitations causées par la tenue d'un foyer, sollicitations certes allégées par les progrès technologiques, lave-linge, lave-vaisselle... mais indubitablement alourdies par les requêtes des enfants si l'on veut réellement et qualitativement s'occuper d'eux. Sollicitations alourdies également si l'on veut personnaliser son service de maison, par exemple assurer une cuisine traditionnelle et non une cuisine industrielle à coups de plats "tout-prêts".
J'estime que les femmes qui, grâce à un salaire décent de leur compagnon, peuvent se permettre de demeurer à la maison, devraient être mieux reconnues socialement. A commencer par une rémunération versée par l'Etat ainsi que des droits à une retraite en compensation de leur apport à la collectivité : encadrement affectif sans comparaison possible des enfants, diminution induite du stress de ces mêmes enfants, prévention résultante de la délinquance, etc... Question subsidiaire : où trouver l'argent pour gratifier ces personnes? Justement par toutes les économies réalisées dans d'autres secteurs : moindre travail pour la cohorte des assistant(e)s sociaux, diminution des coûts de transport, réduction des allocations de chômage, etc... N'idéalisons tout de même pas le présent scénario qui ne résout pas pour autant le dilemme imposé à la femme, à savoir qu'il manquera, pour bon nombre d'entre elles, la satisfaction de sortir de chez soi et de pouvoir s'extérioriser par un emploi valorisant. Valorisant : le mot est lâché... certains emplois, constitués de tâches subalternes, répétitives, mal payées, sont-ils vraiment valorisants? On le voit, la quadrature du cercle caractérise la condition féminine...
De son côté, l'homme, le "mâââle dominant", n'est pas soumis aux mêmes astreintes. Portant son costume trois pièces, celui placé entre ses cuisses, parfois doublé - lorsqu'il est cadre - de l'autre, le textile, accompagné du portable et de l'attaché-case, l'homme donc, ne se pose pas autant de questions. Doté à un moindre degré de qualités affectives et compassionnelles que sa compagne, il évolue dans un environnement que la nature et la société, comme dit plus haut, lui ont injustement et favorablement concocté.
Certes, il est heureux de constater que dans les jeunes générations actuelles, le mâle, dans le moins pire des scénarios, commence à se sensibiliser à toutes ces questions, notamment dans le partage des tâches domestiques. Cela peut être du cinquante/cinquante chez certains foyers. Mais ne nous berçons pas d'illusions : ce n'est pas une généralisation et c'est bien souvent à la femme qu'incombe la majeure partie de ces tâches : enfants plus maison.
Parfois cette majeure partie monte à 100% du fait que l'homme s'en est allé convoler ailleurs pour une compagne plus jeune, plus fraîche, et que l'épouse demeure seule avec la garde des enfants qui lui a été confiée.
Sans nullement vouloir excuser l'homme, il faut quand même reconnaître que la nature a bizarrement fait son travail. Examinons le monde animal et particulièrement celui des mammifères. La plupart du temps c'est la femelle qui s'occupe des petits, tandis que le mâle va conter fleurette ailleurs. La femelle nidifie; le mâle s'expatrie. Le hasard syllabique veut qu'un homonyme ait été évoqué : sexe. L'attrait pour celui-ci est plus prononcé chez le mâle, étant entendu que la motivation vise surtout à perpétuer l'espèce. Chez l'homme c'est différent : il est en mesure de faire l'amour toute l'année... pour son plus grand plaisir et pas obligatoirement pour faire des enfants.
Nous y voilà : les pulsions sexuelles - à connotation égoïste, je l'admets - sont davantage prononcées chez l'homme, mais cela ne saurait excuser, encore une fois, les recherches forcenées du plaisir rencontrées chez bon nombre de ses congénères.
Le règne humain veut que ses représentants des deux sexes soient munis, à un autre niveau que chez les animaux, d'une part d'un cerveau évolué sous-entendant des possibilités affectives et d'autre part d'un langage sophistiqué permettant de multiples échanges.
L'on déduit immédiatement qu'à tout problème posé peut être trouvée une solution par suite du dialogue. Et ce dans les secteurs les plus variés : faire ensemble des choix, partager des activités, s'adonner à ses hobbies en ménageant le conjoint, prendre des décisions importantes... Mais pour ce qui concerne la sexualité, la difficulté vient du fait que l'homme et la femme ne sont pas tellement amenés à la confidence dans les domaines émotionnels, affectifs, de tendresse et de câlins. Question de pudeur? D’une pudeur déplacée? Quand on se confie c'est souvent pour des questions techniques qui ramènent la sexualité au bas étage d'une simple gymnastique hédoniste.
Certes les moeurs ont changé et la femme actuelle revendique aussi son orgasme, mais pas que cela. Il lui faut en outre énormément d'amour, de fidélité, de projection sécurisante dans un futur stable et cocooné. La fameuse question "Chéri, tu m'aimes?" demeurée sans réponse ou dans le meilleur des cas contrée par un "Ouais" évasif, est certes un cliché, mais un cliché toujours d'actualité.
Disons-le sans ambages : la femme est donc plus quémandeuse d'affection. Elle se met automatiquement en situation d'infériorité par rapport à l'homme qui, lui, ne demande pas autant qu'elle dans ce domaine. Le mâle se montre en revanche plus exigeant pour ce qui concerne son plaisir et la femme cherchera, pour le conserver, à le satisfaire, à se soumettre.
Là aussi par conséquent, inégalité confirmée entre les deux sexes. C'est d'autant plus dommage que dans le rayon de la sexualité, contrairement aux problématiques professionnelles et sociétales dont certaines données nous échappent, on devrait pouvoir trouver réponse à tout questionnement et établir une égalité de traitement par la simple voie du dialogue et de l'échange au sein d'un environnement de confiance et de tendresse.
Je demeure stupéfait quand je constate que les moyens de contraception - notamment la pilule - ont permis de débrider anarchiquement la pratique de la sexualité, mais n'ont absolument pas libéré la femme et ont de plus complètement déresponsabilisé l'homme. D'ailleurs on est en droit de se demander pour quelles raisons les recherches sur la contraception ne se sont pas davantage orientées vers l'homme. Ceci est très révélateur de notre société extrêmement phallocrate.
Pour conclure sur ce triste état de fait, je rapporterai un événement vécu il y a environ une vingtaine d'années. Au cours d'une conférence à laquelle j'assistais, une question fut posée par un intervenant à une jeune femme parmi l'assistance : "Selon vous qui détient l'autorité parentale?". A ma grande surprise, la jeune dame répondit : "L'homme", alors qu'il était inscrit depuis longtemps dans le code civil que celle-ci est une affaire de convivialité entre les deux époux. J'ai pensé que la mère de cette personne, en Mai 68, n'aurait certainement pas apporté la même réponse et j'ai commencé à m'interroger, tout comme je continue de le faire aujourd'hui, sur les notions d'évolution et de progrès.
(Copyright Jean-Michel Cagnon - Janvier 2015)