Oasis

bord-de-mer-nuit.jpg©Loulou

Sur la baie crépusculaire, la mer luit. Les rumeurs de la ville accompagnent le ressac de l'eau. Elles ne le dominent pas, ne cherchent pas à le dominer. Elles l'accompagnent tout simplement. La mer est là. Elle préside le paysage et lui donne son climat de paix.

Au large un phare vient de s'allumer. Quelques fanaux de bateaux attardés font de même. Les réverbères du boulevard longeant la plage sont déjà éclairés.

Personne sur le sable excepté lui, sa femme, sa belle-soeur, ses trois enfants et les deux garçons de sa belle-soeur. Les deux mamans parlent. De tout et de rien. Des histoires quotidiennes. La joyeuse marmaille s'égaille sur le littoral et piaille à n'en plus finir. Il se tient un peu à l'écart. Il les regarde. Il est bien.

Octobre est là et pourtant il ne fait pas froid. La Rochelle en automne est remplie de charme. Pins et lauriers qui garnissent les jardins entre la rue et la mer font écran. Leurs masses sombres tamisent l'éclat des lampadaires qui se fait plus insistant avec le jour décroissant.

Ils sont arrivés là, au terme d'une journée de découvertes dans la ville. Ils ne savent pas quand ils repartiront. Personne n'y pense. La ville s'affaire. Eux s'en fichent. Ils ont tout le temps. Ils n'ont plus le temps. Seul le rythme des vaguelettes compte encore. Et cela seulement a de l'importance. Ils sont bien.

Ramassage de coquillages et de galets. On les rassemble. On les compare. Le mien est plus joli que le tien. Oui, mais le mien est plus coloré. Chacun entasse ses trésors dans un sac. Les mamans surveillent. Lui recule et prend une ou deux photos. Dans le rectangle de son viseur s'inscrivent les silhouettes des jeunes.

On prend chaud. On a posé une veste de même que les sacs. Quelques mains expertes se saisissent des galets et jouent à faire des ricochets. C'est pas juste, les plus grands sont les plus forts. Il pose l'appareil et se joint à eux pour s'essayer à son tour. L'enfance l'a rejoint.

A quelques mètres, l'aînée, presque adolescente, contemple silencieusement le large. Il reprend l'appareil photo et la saisit dans sa pose romantique.

Les deux femmes se sont assises, les pieds dénudés à quelques pas de l'eau. Elles chuchotent plus qu'elles ne parlent. Pour ne pas briser la quiétude. Les vagues se renforcent légèrement. Un léger souffle joue dans leurs cheveux. La mer et la femme. Deux univers inséparables.

L'obscurité gagne. Mais il ne fera jamais noir. La ville et ses éclats ne sont pas loin. Alors on commence à construire un château de sable. On ne part pas encore, non, non. La houle se fait plus forte et démonte l'ouvrage. Qu'importe ! On rebâtit sans cesse jusqu'à ce qu'on se lasse.

On joue à se faire peur. On provoque l'eau. On s'enhardit en s'avançant, puis on recule bruyamment quand la vague déferle.


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Il ne se rappelle pas à quelle heure ils sont repartis. Ni ce qu'ils ont fait après. Mais il garde au fond de lui-même, enregistrées à jamais, toutes ces images du bonheur. Des jours heureux... D'un jour heureux qui vous emplit toute une vie...

(copyright Jean-Michel Cagnon).

Date de dernière mise à jour : 12/08/2016

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