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Les chênes-liège

chene-liege.jpg©JPB


J'ai un peu la nostalgie des chênes-liège. Ils sont avec les eucalyptus les représentants principaux des environs forestiers de Rabat. La forêt de la Mamora n'abrite pas des sous-bois comparables à ceux de France. Non, ici point de hautes futaies, point de végétation luxuriante subtilement mise en valeur par un soleil facétieux, point de tapis mousseux sur les rocailles.
Il s'agit d'une forêt sèche, avec des arbres espacés, reflet de la pluviométrie locale. Cependant certains chênes-liège peuvent atteindre des dimensions fort honorables, supportant une épaisse chevelure de feuillage. Mais beaucoup sont rabougris, et leurs formes parfois torturées témoignent des efforts fournis pour s'accrocher à la vie.
J'aime me souvenir de cette terre rude, poussiéreuse, avide d'une eau rare, couverte de ces arbres que nul hiver ne vient dégarnir de leurs feuilles.
Pendant la saison humide, les pluies d'octobre à décembre font surgir du sol une herbe tendre, d'un vert cru contrastant avec le gris cendré des chênes-liège. A cette époque les feuilles terminent leur vie. Elles sont vieilles d'un an, dures et rebondies comme des carapaces d'insectes, presque blanches sur la face interne, noires et lisses sur la face externe.
Puis, quand s'annonce le printemps et que des constellations de pissenlits et de boutons d'or envahissent les prairies, les chênes-liège arborent leur nouveau feuillage : elles sont frêles et tremblantes les nouvelles venues, mais d'un vert si limpide en comparaison de leurs congénères anciennes.
Tout ce petit monde se côtoie sur les mêmes branches, et c'est un beau spectacle que celui d'un chêne-liège bercé au rythme du vent, retournant et mélangeant toutes ses petites taches de verts multiples, décrochant sous une bourrasque plus forte un paquet de vieilles feuilles comme un animal époussetant sa toison.
Au fur et à mesure que l'été s'approche, l'herbe se raréfie, la terre devient ocre, le vert des chênes-liège s'approfondit. Ce sont des globes de verdure, frais, opposés au feu du soleil et de la terre. Ils fonceront progressivement pour adopter cette couleur cendrée annonciatrice de l'hiver...
Couleurs changeantes de ces forêts marocaines, plus discrètes dans leur évolution que celles de nos forêts françaises. Il y aurait aussi à dire sur l'apparition des fruits, sur les nuances des troncs démasclés.
Mais les chênes-liège sont restés gravés dans ma mémoire par leur brin de fantaisie et de coquetterie qu'ils mettent à entretenir leur feuillage persistant, arme fragile contre les excès du soleil africain...

Copyright Jean-Michel Cagnon

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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