Poèmes (3 pages)

coquelicot.jpg©JMC

Danse


Telle une flamme                                                    L'un et l'autre s'accompagnent
langoureuse                                                           se frottent, se repoussent
elle s'incurve                                                          se perdent en vrilles
s'insinue                                                                 s'entremêlent
Elle se joue de l'air                                                 se perdent de nouveau
Ses jambes délicieuses courbes                            pour mieux se retrouver
dessinent
de fugaces arabesques                                          au son désenchanté
                                                                               du tango
Lui, grave
l'enlace quand elle se réfugie                                
la libère quand elle se dérobe
la reprend
se penche sur son corps
déployé
en arc bandé





La Mer


Bleu comme la houle                                                Ligne de l'horizon
Blanc comme l'écume                                              Portée vers l'infini
Bleu comme le ciel                                                   Où courent mes pensées
Blanc tels les nuages,                                              Tristes et alanguies...
Couleurs du tendre âge                                            Par l'espoir transporté
Doux comme le miel                                                 Arriverai-je un jour
Tandis que j'assume                                                 A l'étroit portillon
Les ans qui s'écoulent                                              Pour rencontrer l'Amour?

La mer c'est la vie,                                                    Bleu comme la houle
Les noces de l'eau                                                    Blanc comme l'écume
Conviée à s'offrir                                                       Bleu comme le ciel
Au vent son ami.                                                       Blanc tels les nuages,
Tendresse et ire                                                        Couleurs du vieil âge
Sans cesse alternées                                                Dur comme le fiel
Marquent leur duo                                                    Tandis que j'assume
Pour l'éternité.                                                           Les ans qui s'écroulent.

La mer c'est le départ                                               
Vers un autre univers
En portant son regard
Vers des cieux de lumière.
Mais ce peut être aussi
Le retour vers l'enfance
Avant d'être saisie
Par la désespérance.

(Poème inspiré par Claude Delecluse et Jean Ferrat).




La Ville



Succession de cubes                                               Succession de feux
Succession de lignes fuyantes                                 Tricolores
Du bruit                                                                     Des enseignes lumineuses
Beaucoup de bruit                                                     Des réverbères alignés
Trop de bruit                                                              Des stops alignés des autos
Ma tête n'en peut plus                                               Agressant des visages solitaires
                                                                                  Anonymes
Succession de cubes                                                Malades de mal-être
Et de carrés                                                               En constante incubation
Les maisons
Les pavements
Les squares étriqués                                               Et moi, jeune fou,
Le ciel lui-même                                                       Incube ignoré
Est carré                                                                  Je te recherche
Découpé par les tours                                             O ma succube.
                                                                  
                                                                            





Regards d’Enfants


Les enfants de nulle part                                         Les enfants du mal-aimer
Nous crucifient du regard.                                       Cachent leurs cils trop mouillés.
Leur donner? que pouvons-nous,                           Puis leurs mirettes s'aiguisent,
Qui ne croyons plus beaucoup.                              Vengeant, tranchant à leur guise.

Les enfants de la rupture                                         Et nous les parents de souche,
Nous dévisagent de biais.                                       Notre regard de veau louche
Ils s'habituent aux fractures                                     Sur le grand supermarché
Sans jamais cicatriser.                                             Et les traites à rembourser.

Les enfants belligérants                                         
Ont les pupilles brûlées.
Fauchés tôt dans les rangs,
Ils grimacent à jamais.

 

Les Maisons

Les maisons sont des cloaques
Leurs murs renferment
Depuis des générations
Souffrances, ressentiments
Passions inavouées.
Si les pierres
Pouvaient parler
Un déluge
De fangeuses litanies
Se déchaînerait.

Et cependant
De l'une d'entre elles
Me demeurent parfois
Quelques tendres souvenirs
De ma petite enfance.




L'âge  Adulte

Te voici adulte
Viennent les moments
Où tu ne seras plus jamais
Entièrement consolé

Te voici adulte
Viennent les moments
Où tu ne seras plus jamais
Entièrement protégé

Te voici adulte
Viennent les jours
Où tu dois paraître un roc
Malgré tes failles intimes

Me voici devenu adulte
La tête de granit
Et les pieds d'argile...

 

Sans Titre

Il pleuvait; j'ai voulu un ciel bleu
Il pleurait; j'ai voulu le consoler

L'hiver régnait; je recherchais le printemps
La vieillesse menaçait alors que
Je me sentais jeune encore

Je ne tournais pas rond
La Terre encore moins

Solitaire dans ma tête
Solitaire sur Terre
Soliloquant en sales loques
J'avais mal à mon âme

Dès lors j'ai imaginé sur le papier
Les contours d'un univers de rêves.

(copyright Jean-Michel Cagnon)

 

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Image de Sébastien

fleurs-1.jpg©Loulou

Sébastien, bien que sage, n'est pas une image.

Et cependant j'en garde une de ses jeunes années qui me ravit et m'émeut à la fois. Celle d'un petit garçon en culottes courtes, bien campé sus ses jambes musclées, courant dans le jardin en agitant les mains dans un mouvement de brasse.

Sébastien ne sourit pas mais il a l'air d'être bien dans sa rêverie. Il trottine. Il mouline des bras. Il respire l'air tiède et la vie douce. Il a confiance. Il brasse encore et il embrasse le soleil et l'existence.

Il a fait ça pendant trente secondes. Et moi qui l'ai observé, j'ai comme une démangeaison dans les yeux devant tant de candeur et d'espoir.


Rentrée des classes

Rentrée des classes : pour Elise, la dernière de la famille, un peu plus de trois ans, c'est le grand événement.

Jour "J" pour le grand envol vers l'école. Sur le seuil de la maison, maman contrôle et procède au dernier check-list :
- Chaussures? cirées c'est sûr.
- Chaussettes? remontées c'est net.
- Jupette? proprette.
- Chemisier? repassé.
- Petit nez? mouché.
- Couettes? bien faites.
- Cartable? ah non c'est vrai, il n'y en a pas, pensez donc, à la maternelle. Alors pour faire comme les grands et puis aussi pour se rassurer un petit peu, on a décidé de porter un sac en bandoulière dans lequel on a glissé un jouet et un biscuit pour dix heures.

Et on est parti, main dans celle de maman, un peu moite, accompagné des grands, frère et soeur.

A midi : "Alors Elise, comment était-ce?... Oh ! maintenant que je connais, je ne veux plus y retourner ! ".

Et pourtant le lendemain, tu es repartie, ayant pris goût à l'affaire, et au grand étonnement de tes aînés. En passant, papa, du bureau, te regarde par la fenêtre. Mais chut faut pas le dire.

Va, bout de chou, va... tu as franchi ton premier échelon... un petit pas au regard de la foule anonyme... un grand pas pour toi.


Scène de métro

Elle est sagement assise sur un strapontin trop haut. Les jambes pendantes, chaussettes blanches, les petits pieds emmitouflés dans des souliers noirs vernis. Ne dirait-on pas deux notes de musique égarées dans ce décor banal?...

Une frimousse émergeant d'un capuchon rouge, avec de grands yeux interrogateurs, levés vers ces adultes cérémonieux absorbés dans leur journal.

Aux extrémités des manches, dépassent deux pétales roses en forme de main : la droite serre une poupée de chiffon tandis que la gauche se blottit dans celle de maman.

Petit bout de chou perdu dans cette cage de verre et de fer, brinquebalante et bruyante.

Petite Nathalie dans le métro...

(copyright jean-Michel Cagnon)

Balade en groupe dans la neige (prose poétique)

Les nuées se dissipent lentement et laissent deviner un lointain inconnu qu'il nous faudra découvrir. Exploration du paysage ou exploration de soi-même? Je n'ai pas l'impression, pour ce qui me concerne, d'avoir intérieurement beaucoup avancé. Tout ceci sur un décor immaculé, éblouissant. Rideau voilant la scène? mais quelle scène? Tenons-nous vraiment à la visualiser?
Heureusement elle est là, même si on la croit perdue pour toujours. L'enfance et son jardin secret se serait tue? Allons donc !  Comme une source discrète elle continue de vivre à jamais.
La nature environnante, dans son sommeil apparent, persiste elle aussi à vivre. Allons ! Il reste tant à tenter malgré l'âge.
Toutes nos solitudes regroupées se dissoudraient-elles enfin? Vivre certes, mais sans se diluer. Traverser le fleuve ou la mer, de concert avec d'autres embarcations, mais... seul sur son navire.
Les bords du chemin, inertes et figés de blanc, nous accompagnent dans leur fidélité désespérée.

Qu'avons-nous donc découvert? Que nous sommes à l'orée d'une terre vierge dont l'horizon, maintenant éclairci, recule sans cesse. Ainsi en va-t-il de l'existence...

Constat de la vie

Nous cheminons sur des sentiers absurdes
Où les étoiles côtoient les abysses
Et nos mains tendues les unes près des autres
S'accrochent aux fantômes de nos illusions.

Terres exotiques et poudreuses
Déserts minéraux, reflets de nos rêves
Au néant sépulcral et fascinant.
Ephémère, tout est éphémère
Et tout est dans l'infini
Statique et cependant
Sans cesse renouvelé.

Vagues de l'océan
Infatigables balayeuses de la grève,
Mariées au vent messager,
Porteur de nos plus intimes
Vagues à l'âme
Au delà des dunes indifférentes
Qui ne retiennent rien,
Ni de notre présence

Ni de notre spleen.

Le chat

La place de l'église
Est vide
Seul un chat
L'occupe
Au pied d'un escalier
Il m'observe passant

Nous sommes deux témoins
Silencieux
D'un instant
D'un lieu
Vides de toute vie
Où le néant s'impose

La porte de l'église
Est fermée
Des herbes folles
Poussent à son pied
Plus de curé
Plus personne
Le néant s'impose
Sous un ciel muet

Le chat
Moi-même
Deux témoins
Devant l'église
Y a-t-il
Encore
Une troisième Présence
Dans ce morne triptyque
Triste et absurde théâtre?
 
(Copyright Jean-Michel Cagnon)

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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